Douze nouveaux géosites d’Auvergne-Rhône-Alpes ajoutés à l’inventaire national du patrimoine géologique
Le cap des 500 sites géologiques franchi en Auvergne-Rhône-Alpes !
Grâce à des géologues passionnés, 12 nouveaux géosites ont été proposés à la Commission régionale du patrimoine géologique Auvergne-Rhône-Alpes et validés par le Conseil scientifique régional du patrimoine naturel le 5 décembre 2023. La région Auvergne-Rhône-Alpes compte donc à présent 502 géosites (sur environ 4000 en France).
Après quelques retouches demandées par la Commission nationale de validation du Muséum national d’histoire naturelle, les sites et leurs descriptifs sont à présent en ligne sur la base nationale et la page DREAL.
Un grand merci aux auteurs et contributeurs des fiches : Rémi Bogey, Pierre Boivin, Pierre Bouilhol, Pierre Habig, Philippe Legrand, Olivier Merle, Nicolas Olivier, Stéphane Reboulet, Yves Siméon, Pierre Thomas, Benjamin Van Wick de Vries et Thierry Winiarski.
La DREAL, service de l’État en charge de l’inventaire en région, est heureuse de vous les présenter ci-dessous par département.
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Ain (01), Isère (38), Savoie (73) : Méandres historiques et actuels du Rhône
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Située à cheval sur les départements de l’Ain, de l’Isère et de la Savoie, la plaine des Basses Terres permet d’observer l’évolution du lit du fleuve de ces 10 000 dernières années.
Aucune autre plaine alluviale ne comporte autant d’éléments morpho-sédimentaires réunis en une si petite surface (quelques dizaines d’hectares) : un changement de cours d’un fleuve (autocapture), des divagations méandriformes anciennes et un cours en tresse et en anastomose (connexion entre bras du fleuve) plus récent.
Le livre "Hydrosystèmes fluviaux" de C. Amoros (FR) et Petts (USA) en 1993 évoque ce secteur qui a été en France ce que le Colorado a été aux USA en termes de compréhension des processus morpho-sédimentaires.
L’ancien méandre du Saugey, d’environ 80 ha, est protégé par la réserve naturelle du Haut-Rhône.
* système de datation « Before Present » avec comme valeur étalon l’année 1950.
Datation des formes fluviales observables | Grégory Gaucher(2011)
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Ardèche (07) : Roches fondues et jus de fusion du Dôme du Velay
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Les roches polies par les eaux de cet affleurement dans le lit de l’Ardèche sont des migmatites (de migma=mélange) issues d’un métamorphisme de haute température et basse pression. Elles présentent de complexes structures rubanées, traduisant plusieurs étapes de fusion de la croûte terrestre.
Globalement, les liquides crustaux (c.a.d de profondeur) ont subi une fusion hydratée et ont des origines différentes.
Ce site est lié à la formation du Dôme du Velay ; il est très intéressant d’un point de vue pétrologique par sa rareté puisqu’il permet de voir les différentes étapes de la fusion d’un segment crustal et ses détails avec un accès pour le moins très simple (attention tout de même à la météo, la pluie pouvant rendre glissante la pente assez raide).
Enclave de restite refractaire para-derivé dans une métatexite principalement représentant une fusion saturée en H2O | Pierre Bouilhol -
Situé en bas d’un chemin abrupt à Rocles, ce site permet l’observation sur un affleurement de 2 m de largeur sur 10 m de haut de migmatites. Des intrusions de vaugnérites sont également présentes (constituées de plagioclase, biotite et parfois amphibole).
Déformé par l’intrusion de jus de fusion constitué de cordiérite et de grenat, cet affleurement permet de noter l’influence de la production de liquide crustaux et son transfert vers des niveaux supérieurs et leur relation avec les déformations.
Les différents éléments sont bien visibles. Les vaugnérites s’y trouvent sous forme de « flammes » de l’ordre de dizaines de centimètres. Le tout est recoupé par le jus de fusion suivant le plan de faille de cisaillement.
Flammes de vaugnérite synchrone de la fusion. Notez les jus anatectiques (à grenat) concentrés le long de plan de cisaillement | Pierre Bouilhol -
Affleurement de près de 2 km le long de la route entre Saint-Laurent-les-Bains et Tressol, la coupe permet l’observation de l’évolution de la mise en place du Dôme du Velay. Commençant par une succession de roches métamorphiques (schistes verts, cordiérite puis sillimanite), il est également possible de voir des intrusions de granites de plus en plus présentes. Ce passage de faciès est un bon témoin de métamorphisme de Basse Pression – Haute Température de type Buchan.
Tout le long de l’affleurement, il est également possible de voir de nombreuses déformations traduites par des plissements s’intensifiant vers le Nord, parallèles et perpendiculaires à la linéation.
Au niveau de l’apparition de la sillimanite, il est également possible d’observer de la « plissotite » marquant une nouvelle foliation. À partir de cette foliation, la formation est interprétée comme l’interaction entre la tectonique et la mise en place du Dôme.
Ce site est une coupe unique montrant le métamorphisme lié à la mise en place d’un dôme anatectique, tout cela au bord d’une route très peu fréquentée.
Plissotite menant à la formation d'une nouvelle foliation | Pierre Bouilhol
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Drôme (26) : Clou d’or sur l’échelle des temps géologiques
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Ce site est la coupe de référence mondiale pour définir la base de l’étage de l’Albien (PSM : point de stratotype mondial ou Global Boundary Stratotype Section and Point dit GSSP), ratifié en 2016 par l’IUGS (International Union of Geological Sciences) et donc Clou d’or sur l’échelle des temps géologiques. Elle correspond à l’âge de 113 millions d’années, période du Crétacé.
Le site est un affleurement constituant une coupe d’une centaine de mètres d’épaisseur dans les "marnes bleues" avec une alternance de fins bancs calcaires tous les 3 à 10 mètres comme le niveau Fromaget à la base de la coupe . Il y a également des niveaux d’argilites noires d’ordre métrique nommés en l’honneur de grands géologues alpins du XXème siècle (voir le Log). Le point stratotypique mondial est défini par l’apparition du foraminifère Microhedbergella renilaevis, situé au niveau 37,4 m de la coupe, dans le niveau Kilian.
Ce site historique a été aménagé dernièrement par le Parc naturel régional des Baronnies provençales et une cérémonie officielle d’inauguration du Clou d’or a été organisée en présence de l’IUGS le 29 juin 2024. Le même jour était inauguré le Clou d’Or de l’Hauterivien à la Charce (géosite RHA0074, site aménagé par le département de la Drôme en 2012 (Espace naturel sensible).
Pour en savoir plus : lire le dossier Les Points Stratotypiques Mondiaux(PSM) de France dans la revue Géochronique n°63, 2022.Charte des ages géologiques avec le stratotype de l'Albien | International Commission on stratigraphy Vue du site et localisation de la limite, niveau Kilian | Stéphane Reboulet, 2021
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Loire (42) : Nodules de fer et charbon stéphanois
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Dans la commune de Chambon-Feugerolles, le long de la rue Pierre-et-Marie-Curie, l’affleurement d’une cinquantaine de mètres est constitué d’une alternance de bancs gréseux riches en micas et de grès grossiers. Au sein des grès micacés, il est possible de voir une trentaine de nodules de taille pluricentimétrique. Ces nodules présentent une belle structure en pelure d’oignon et sont pour la plupart alignés parallèlement à la stratification.
Ces nodules sont d’origine bactérienne, par précipitation de fer dissout dans les lacs houillers du Carbonifère (358,9 – 298,9 Ma) autour de restes végétaux et animaux.
Ils sont une bonne illustration de fer carbonaté lithoïde (FeCO3) en nodules qui était le mode de gisement de minerai de fer le plus abondant sur le bassin houiller de Saint-Étienne.Détail d'un nodule avec sa structure concentrique autour d'un nucléus central | Pierre Habig -
Site confidentiel Assez dangereux d’accès car en bordure de voie rapide, il n’a pas été localisé sur la carte. L’affleurement de 1 à 2 mètres d’épaisseur montre une rare couche de charbon encore visible sur le bassin de Saint-Étienne.
Le charbon est en contact très net avec des grès par une activité tectonique et fait partie du faisceau Beaubrun datant du Stéphanien supérieur (303,9 - 299 Ma). Cet affleurement est associé à la faille de Dourdel, normale et orientée Est-Ouest.
Vue générale de l'affleurement | Pierre Habig
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Haute-Loire (43) : Roches mantelliques remontées à la surface
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Le diatrème (cheminée volcanique remplie de brèches volcaniques) de Bournac correspond à un affleurement situé au hameau de Bournac sur la commune de Saint-Front. Les extrémités Est et Ouest de l’affleurement ne sont pas visibles mais la partie centrale est accessible.
Le diatrème est installé au milieu des migmatites du socle varisque du Velay (même s’il n’est pas possible de voir le contact). Les brèches massives constituant le diatrème sont surmontées de produits pyroclastiques comme des tufs ou encore des lapilli. Enfin, deux coulées basaltiques superposées surmontent le plateau. L’ensemble date du Miocène supérieur (23,03 – 5,33 Ma).
Le site se distingue par l’abondance de xénolites (roches profondes remontées depuis la cheminée volcanique) au sein des brèches de la cheminée volcanique avec pour origine la croûte supérieure mais également des morceaux mantelliques.
Brèche phréatomagmatique avec un cortège varié de xénolites crustaux (blancs) et mantelliques (verts). Champ environ 26x19 cm. | Patricia Rousset, DREAL juin 2023 Illustration des trajectoires possibles des roches encaissantes dans un système de maar-diatrème | M. K. Fitzgerald, 2021.
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Puy-de-Dôme (63) : Témoins du rivage de Limagne, faille célèbre et filon de quartz de plusieurs kilomètres
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Les Stromatolites de Chadrat sont des formations bio-construites datant de l’Oligo-Miocène (33,9 – 23,03 Ma). Elles ont formé sur ce site une barre carbonatée qui mesure jusqu’à 5 mètres d’épaisseur.
De géométries multiples (planaires à hémisphériques), on note également la présence d’arrêts de croissances et d’encroûtements d’anciens végétaux indiquant un environnement de développement bactérien peu profond avec de régulières périodes d’émersion.
Ce site est d’un grand intérêt paléo-environnemental. L’holotype de l’algue Broutinella ramulosa y a été défini par Freytet (1998).
Stromatolite avec une trace de tronc d'arbre à sa base | Nicolas Olivier -
Cette faille constitue la limite occidentale du fossé d’effondrement de la Limagne. Il s’agit de l’exemple le plus emblématique d’une faille bordière d’un des grabens du Rift Ouest Européen, étroitement associée à du volcanisme (chaîne des Puys et plus ancien), à de la sédimentation syn-rift et à de l’érosion liée au soulèvement du Massif Central.
Ce site est inscrit, pour sa majeure partie, au patrimoine mondial de l’UNESCO sous le nom Haut lieu tectonique Chaîne des Puys- Faille de la Limagne ; il fait à présent l’objet d’une fiche dans l’inventaire.
La faille de la Limagne s’est formée à partir de l’Éocène moyen (56 – 33,9 Ma), en même temps que la grande phase alpine réactivant les failles d’âge varisque. Le rejet de la faille est très important avec près de 3 km de remplissage de sédiments dans le bassin de Riom.
L’exhumation du plan de la faille est due au soulèvement du Massif Central au Quaternaire qui accélère le processus d’érosion des sédiments. Cette exhumation par érosion reste active aujourd’hui comme en témoignent les signes d’inversion de relief des coulées de lave les plus récentes de la chaîne des Puys.
Aujourd’hui l’escarpement de la faille, en rebord du plateau des Dômes, présente des pentes d’environ 30° incisées par de profonds ravins influencés par des failles varisques.
Le géosite inclut trois volcans situés sur la faille (Puys de Gravenoire, de la Bannière et le maar de Saint Hippolyte) mais également des points de sorties de CO2 et des sources thermales. Il comporte un intérêt à l’échelle internationale en termes de tectonique, géomorphologie, hydrothermalisme et volcanisme mais également au niveau de l’Histoire des sciences géologiques.
Miroirs de la Faille de la Limagne équipés pour la varappe. Gorges de Ceyrat | Pierre Boivin Bloc Diagramme montrant les principales structures géomorphologiques associées à la structure de la faille | Benjamin Van Wick de Vries -
Le site est un affleurement de taille imposante situé sur un filon de quartz exceptionnel par sa longueur puisqu’il peut être suivi sur plusieurs kilomètres dans le massif granitique de Guéret, de Biollet à Saint-Maurice-près-Pionsat. Il est d’abord orienté N 35° entre Tralaigues et Parinet puis NW-SE vers Saint-Maurice-près-Pionsat.
L’affleurement de quartz situé au niveau de l’ancien château à la Roche d’Agoux, est aménagé (échelle, point de vue panoramique).
Le quartz est blanc mat à laiteux parfois à l’aspect rubané et contient quelques géodes d’améthyste assez pâle. Cet ensemble est daté du Carbonifère (358,9 – 298,9 Ma).
Ce site présente un intérêt minéralogique mais également touristique comme curiosité naturelle.
Le Rocher de Roche-Agoux | Philippe Legrand, 2022
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Savoie (73) : Plancher océanique à 3 000 mètres d’altitude
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L’océan Valaisan a toujours été l’objet de discussions passionnées par des générations de géologues depuis E Haug 1900 jusqu’aux dernières publications (G. De Broucker 2021) qui éclairent sur le rôle essentiel joué par l’océan Valaisan durant le Crétacé.
Le panorama du col du Petit-Saint-Bernard permet de voir en 3 dimensions la reprise dans les déformations alpines de l’océan valaisan. Constitué d’un empilement d’Est en Ouest d’écailles tectoniques comprenant la zone houillère briançonnaise, les nappes liasiques et les unités du Versoyen avec en discordance les flyschs (dépôts sédimentaires issus de l’érosion d’un massif montagneux), ce site constitue une étape très importante pour la compréhension de la géologie des Alpes apportant de nombreuses notions géochronologiques, métamorphiques et géochimiques.Afin d’observer au plus près le contexte géologique (basalte, schistes noirs, laves en coussin, etc.) une balade d’une journée peut être réalisée en Italie : départ du Lac Verney jusqu’au pied de Tormottaz.
On peut noter à proximité du col la présence d’un site archéologique : un cromlech, témoin d’un lieu de culte pré-romain.
Panorama vers NW col du Petit Saint Bernard | Association BGD
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