PFAS : la surveillance des rejets industriels dans l’eau et des milieux aquatiques

La surveillance des PFAS dans les rejets industriels


Rappel des obligations réglementaires pour les rejets industriels

  • Depuis le 17 août 2022, pour certaines installations de traitement de déchets relevant du régime de l’autorisation et de la directive relative aux émissions industrielles (dite « IED »), une surveillance semestrielle du PFOS et du PFOA doit être réalisée au niveau des effluents (arrêté du 17 décembre 2019).
  • Depuis le 1er janvier 2023, la réglementation limite la présence de PFOS à 25 µg/L dans les rejets aqueux des établissements.

La campagne exploratoire de contrôles inopinés sur des sites industriels

En région Auvergne-Rhône-Alpes, en 2022, en raison de la situation apparue au Sud de Lyon, la DREAL a pris l’initiative de lancer des investigations exploratoires pour identifier d’autres sites industriels potentiellement concernés. Depuis juin 2022, les inspecteurs des installations classées de la DREAL ont intégré les PFAS aux substances à analyser, lors des contrôles inopinés précédemment programmés sur les sites industriels (c’est-à-dire sans avertir les exploitants). Les 20 PFAS objets de la norme sur l’eau potable ont été mesurés dans les rejets dans l’eau, à travers 161 contrôles inopinés qui ont concerné 156 établissements distincts entre juin 2022 et novembre 2023 (certains établissements ont été contrôlés plusieurs fois).
Ces investigations se poursuivent depuis 2023 en cohérence avec un cadrage national, suite à l’arrêté ministériel du 20 juin 2023 prévoyant la surveillance des rejets aqueux des industriels potentiellement émetteurs de PFAS.

Avertissement

La thématique des perfluorés a été ajoutée à un programme de contrôles établi en amont, basé sur l’ensemble des substances pour lesquelles une valeur limite est prescrite. Cette campagne de contrôles inopinés comporte donc une part d’aléatoire et ne saurait s’apparenter à une campagne ciblée et systématique sur les sites potentiellement émetteurs de PFAS.



RÉSULTATS DE LA CAMPAGNE DE CONTRÔLES INOPINÉS

Sur les 156 établissements distincts contrôlés :

1/ Pour 15 sites industriels, soit 10 % des sites contrôlés :

En raison des concentrations ou des quantités de PFAS détectées dans les rejets, la DREAL a mené ou demandé des analyses immédiates. Elle a exigé des suites aux exploitants concernés, telles que : identifier les sources, caractériser les rejets (par de nouvelles analyses), voire selon les enjeux, identifier des options de diminution, de substitution ou de traitement.

  • pour 6 d’entre eux, l’hypothèse privilégiée est que la présence de PFAS dans les rejets provient en réalité de l’eau d’alimentation des process en amont et n’est donc pas imputable à l’usage industriel. La question d’un transfert de pollution entre milieux différents (par exemple entre une nappe souterraine et un cours d’eau) pourra cependant être considérée pour prendre des mesures.
  • pour les 9 autres sites (usines, stations d’épurations, centres de stockage ou de traitement de déchets…), des analyses complémentaires et des actions sont en cours.

Les quantités de PFAS rejetées restent inférieures à 300 g/mois.

Ces résultats, bien que ponctuels, confirment la pertinence des rubriques ICPE (natures d’activités) retenues comme susceptibles d’émettre des PFAS dans l’arrêté ministériel du 20 juin 2023 (voir ci-après), en particulier les rubriques relatives à l’industrie chimique et au secteur des déchets.

Pour chacun de ces sites l’ARS identifie s’il existe en aval du rejet incriminé des captages utilisés pour l’alimentation en eau potable (directement au niveau du cours d’eau ou plus fréquemment en nappe alluviale). Un programme de recherches de PFAS est alors programmé dans le cadre du contrôle sanitaire, afin de déterminer si l’eau du captage est contaminée, ainsi que la qualité de l’eau distribuée à la population.

2/ Pour les autres sites contrôlés :

Les PFAS n’ont pas été détectés ou ont été détectés dans des quantités plus faibles. Ils ne font pas l’objet d’investigations immédiates mais seront traités dans le cadre de référence désormais applicable, c’est-à-dire l’arrêté ministériel du 20 juin 2023 sur la surveillance des rejets aqueux des sites industriels potentiellement émetteurs de PFAS (voir ci-après).



Le nouveau cadre de travail de l’inspection : l’arrêté ministériel de surveillance des rejets aqueux des sites susceptibles d’émettre des perfluorés

Depuis le 20 juin 2023, afin de mieux connaître la contribution liée aux sites industriels en activité, un arrêté ministériel impose à plusieurs milliers d’établissements industriels de rechercher l’éventuelle présence de PFAS dans leurs rejets vers les cours d’eau. Il s’agit probablement de la réglementation de surveillance des industriels la plus ambitieuse au monde. Les fédérations professionnelles consultées lors de la préparation de ce dispositif, s’y sont montrées favorables.

Il s’agit d’une mesure prévue par le plan d’action ministériel PFAS du 17 janvier 2023 puis reprise dans le plan d’action inter-ministériel PFAS d’avril 2024.
Ce plan vise à limiter les risques associés aux PFAS. ll s’appuie sur cinq axes et organise la mobilisation de toutes les administrations publiques, en définissant clairement les objectifs et les responsabilités pour assurer la cohérence et l’efficacité de l’action des différents ministères concernés. Il définit la doctrine du Gouvernement pour réduire le plus rapidement possible les risques associés aux PFAS.

Près de 600 sites industriels sont concernés par cette surveillance des rejets aqueux en Auvergne-Rhône-Alpes.

La surveillance découlant de l’arrêté ministériel du 20 juin 2023 permettra de poursuivre, compléter et renforcer les campagnes de contrôles inopinés menées à titre exploratoire par la DREAL Auvergne-Rhône-Alpes en 2022-2023.

  • L’arrêté ministériel concerne des ICPE relevant du régime de l’autorisation :
    - correspondant à des secteurs d’activités susceptibles de produire, utiliser ou émettre des PFAS (industrie chimique, industrie papetière, industrie textile, métallurgie, traitement des déchets)
    - ou utilisant, produisant, traitant ou émettant des PFAS. Les sites identifiés lors des contrôles inopinés de la DREAL ont ainsi été intégrés à cette surveillance.
  • L’arrêté prévoit notamment :
    - sous 3 mois : que les exploitants tiennent à disposition de l’inspection des installations classées la liste des PFAS utilisés, produits, traités ou rejetés, actuellement ou par le passé (et la liste des produits de dégradation) ;
    - que les établissements concernés réalisent, chaque mois, sur trois mois consécutifs, une analyse de leurs eaux rejetées.
  • Les établissements doivent analyser systématiquement les 20 PFAS mentionnés dans la directive européenne sur l’eau destinée à la consommation humaine.

    De plus, chaque établissement doit également analyser l’ensemble des PFAS susceptibles d’avoir été utilisés, produits, traités ou rejetés par l’établissement.

    Enfin, une estimation de la quantité de fluor organique est à réaliser au moyen d’une méthode appelée « AOF ». Cette méthode est encore exploratoire, elle donne cependant une indication de la quantité de fluor organique rejetée. Mais, cela ne préjuge ni de la présence, ni de la quantité de PFAS réellement présents, pour cela, des investigations complémentaires doivent être menées par l’industriel.

  • Les analyses doivent être menées par des laboratoires accrédités. Lorsque l’arrêté a été signé, aucun laboratoire ne disposait de cette accréditation sur le territoire national, ce qui a limité temporairement la capacité nationale d’analyse. Pour cette raison, des délais adaptés ont été prévus pour réaliser ces mesures, en étalant la réalisation de ces campagnes sur 9 mois. Cependant, même avec ces délais, certains industriels ont eu des difficultés pour trouver un organisme de prélèvement et un laboratoire en capacité de faire les analyses sous accréditation. Malgré ces contraintes, la publication de ces premiers résultats est possible grâce aux industriels qui ont su faire preuve d’anticipation pour respecter ces échéances réglementaires.

    Transmission des justificatifs par les industriels en cas de décalage du calendrier :
    https://www.demarches-simplifiees.fr/commencer/declaration-rejets-pfas

PREMIERS RÉSULTATS DE LA SURVEILLANCE PRESCRITE PAR ARRÊTÉ MINISTÉRIEL

Début avril 2024, au niveau national, environ 600 établissements ont terminé leur campagne de trois analyses des PFAS dans les rejets aqueux de leur établissement industriel. A la demande de Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, et sans attendre de disposer de l’intégralité des résultats, les premiers résultats sont publiés.

En Auvergne-Rhône-Alpes, début avril 2024, 135 établissements ont achevé la campagne de trois analyses. Cela représente 22 % du total des analyses attendues sur l’ensemble de la surveillance ; les résultats publiés ci-après ne représentent donc qu’une photographie intermédiaire de la surveillance. Ils seront complétés par les autres résultats lorsqu’ils seront disponibles.

A ce stade des remontées de résultats, l’établissement qui représente le flux (quantité rejetée) le plus important est celui d’Arkema à Pierre-Bénite dans le Rhône. Parmi les autres sites, le secteur du traitement de déchets se distingue par les concentrations importantes mesurées en PFAS, ce qui était attendu compte-tenu de la bibliographie, sans que cela représente pour autant les flux les plus significatifs.

Précautions de lecture des résultats

  • ces résultats ont été renseignés directement par les exploitants des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) concernées sur le site de télédéclaration du ministère. Ils peuvent comporter des erreurs de saisie (par exemple sur les unités de mesure) ou de déclaration, pour quelques sites industriels.
  • les PFAS mesurés au point de rejet ne sont pas nécessairement issus du site industriel, ils peuvent être présents à l’origine dans l’eau alimentant l’établissement. Du fait de la disponibilité de laboratoires, peu de sites industriels ont pu faire analyser la présence de PFAS dans l’eau qu’ils utilisent. De plus, ces analyses présentent un coût et il n’était pas nécessaire de les réaliser systématiquement.

Les suites données

Bien que certains PFAS soient mis au point et utilisés pour divers usages depuis de nombreuses années, aucun texte international ou européen n’impose à ce jour de limite d’émission pour ces substances dans les eaux résiduaires rejetées par les établissements industriels, à l’exception du PFAS dénommé « PFOS ». Au cas par cas, certains sites industriels fabriquant ces substances ont été réglementés pour ces rejets.


En cohérence avec la stratégie déployée depuis 2022 dans la région, ainsi qu’avec les orientations nationales et la méthodologie usuelle de l’inspection des installations classées, les suites suivantes seront données aux analyses :

  • pour les sites sur lesquels des rejets en PFAS sont identifiés, la DREAL demande l’identification de la cause de la présence de PFAS et, le cas échéant, des mesures de suppression ou de réduction ainsi que la mise en place d’une surveillance pérenne. Les mesures sont prises et évaluées au cas par cas. Elles dépendent en particulier des quantités de PFAS rejetées, de la connaissance de l’exploitant sur l’origine de ces rejets, et de l’existence de substituts effectifs à l’heure actuelle.
  • la DREAL opère par priorisation, en commençant par les établissements pour lesquels les rejets les plus significatifs sont mesurés, en cohérence avec les orientations nationales. Ils seront suivis dans la durée afin de s’assurer qu’un plan d’action visant à la suppression ou à défaut la réduction des PFAS est mis en œuvre par ces établissements.
  • les résultats de surveillance sont transmis à l’Agence régionale de santé. Pour chacun des sites où des PFAS sont identifiés dans les rejets et priorisés par la DREAL, l’ARS identifie s’il existe en aval des captages utilisés pour l’alimentation en eau potable (directement au niveau du cours d’eau ou plus fréquemment en nappe alluviale). Un programme de recherches de PFAS est alors établi dans le cadre du contrôle sanitaire, afin de déterminer si l’eau du captage est contaminée, pour pouvoir le cas échéant agir afin de garantir la qualité de l’eau distribuée à la population.

Surveillance des milieux aquatiques


En Europe

Le PFOS et ses dérivés figurent dans la liste des substances prioritaires de la directive européenne cadre sur l’eau. Ils sont donc intégrés dans le programme de surveillance et de contrôle des masses d’eau à l’échelle de l’Union européenne. Cette surveillance permet de mieux connaître l’état des milieux, d’identifier les causes de leur dégradation, pour orienter et évaluer les actions, avec l’objectif d’améliorer la qualité des eaux (chimique et écologique).


En France

Le 11 mai 2022, en complément de la directive cadre sur l’eau, le ministère de la transition écologique a pris un nouvel arrêté (Communiqué de presse du ministère de la transition écologique) qui doit permettre de renforcer le suivi de l’état des eaux au niveau national et d’évaluer au plus près les niveaux de contamination par des polluants dans les eaux de surface et les eaux souterraines. Il définit précisément la méthode de surveillance. Il impose désormais la surveillance d’une centaine de nouvelles substances chimiques et renforce ainsi la surveillance des PFAS.


Sur le bassin Rhône-Méditerranée

Le réseau de surveillance environnementale, opérée par l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée Corse, compte 933 stations de suivi sur le bassin (543 sont des stations de suivi des eaux superficielles et 390 stations eaux souterraines), permettant de surveiller l’état qualitatif et quantitatif de l’eau de surface, des sédiments et des nappes souterraines.

Le récent arrêté ministériel du 11 mai 2022, qui permet de renforcer le suivi de l’état des eaux, a été décliné à l’échelle du bassin Rhône-Méditerranée le 1er juillet 2022.

Sans attendre cette évolution réglementaire récente, des campagnes de mesure de 17 PFAS sont menées à titre expérimental depuis 2014 pour les eaux superficielles et depuis 2017 pour les eaux souterraines. 5 substances ont été ajoutées pour les eaux souterraines en 2022, soit 22 substances PFAS suivies.

Résultats

Les mesures effectuées ont permis de détecter au moins une fois une partie de ces composés, dans plus de la moitié des stations de contrôles du bassin, principalement dans les régions Auvergne-Rhône-Alpes et PACA au niveau des zones urbaines et industrielles.

Sur cette base, les deux cartes ci-dessous montrent les stations de suivi du bassin à considérer sous vigilance.

Les losanges ou ronds bleus les plus grands correspondent à la vigilance la plus forte. Une station en vigilance voire en vigilance accrue signifie qu’il y a beaucoup de prélèvements détectant des PFAS et que leur concentration dans le milieu est significative, pouvant parfois dépasser le futur seuil de potabilité de l’eau (0,1 μg/l pour la somme de 20 PFAS, qui s’appliquera en France en 2026).

À ce stade des investigations, les principales sources à considérer sont des sites industriels en fonctionnement ou arrêtés, des plates-formes sur lesquelles des exercices anti-incendie sont fréquents, et des stations d’épuration.

Les services de l’État sont mobilisés pour :

  • affiner l’interprétation des résultats ;
  • faire baisser les substances PFAS dans les milieux aquatiques, notamment dans le nouveau Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE) de mars 2022, qui cible particulièrement les territoires les plus émetteurs du bassin tels que la vallée de la chimie ;
  • identifier les sites industriels potentiellement à l’origine de rejets en PFAS.

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