Pour leur santé, changeons de regard sur leurs trajets !
Pourquoi ce sujet est important ?
La mobilité des enfants est un enjeu de société majeur en terme de santé publique et de transition écologique. Elle façonne leur autonomie, impacte leur santé, leur socialisation et préfigure les choix qu’ils adopteront à l’âge adulte. Mais le plus important peut-être, en transformant la mobilité des enfants, c’est aussi celle des adultes que l’on fait évoluer. Car les trajets des enfants influencent très directement ceux des parents, souvent réalisés dans une logique de boucle ou de chaînage avec le travail, les achats ou d’autres activités.
Les principaux enseignements tirés de l’étude
Des enfants très motorisés
La majorité des enfants vivent dans un environnement très motorisé. 90 % des enfants vivent dans un foyer équipé d’au moins une voiture en France hexagonale (80 % dans les territoires ultramarins). Un tiers se déplace quotidiennement en voiture (54 % dans les territoires ultramarins).
La marche, mode dominant mais fragile
La marche reste le mode le plus fréquent, surtout en France hexagonale où 45 % des enfants marchent presque tous les jours, contre 35 % dans les territoires ultramarins.
Le vélo, un usage encore limité
Même s’il bénéficie d’une très large diffusion puisque 85 % des enfants en sont équipés, il reste cantonné la plupart du temps à un usage récréatif. Seulement 6 % l’utilisent quotidiennement.
Les transports en commun prennent le relais au collège
Près d’un collégien sur deux est abonné à un réseau de transports en commun. Cette proportion monte à 61 % chez les jeunes de 18 à 20 ans, signe d’une acculturation progressive, mais encore trop tardive.
Un recul de l’autonomie
L’âge du premier déplacement autonome est passé de 10,6 ans (parents) à 11,6 ans (enfants actuels). En CM2, seuls 9 % des enfants vont seuls à l’école, alors qu’ils sont 36 % en sixième. L’autonomie progresse avec l’âge mais reste fortement dépendante du mode de transport. Elle est plus facile à acquérir via les transports collectifs qu’à travers la marche ou le vélo.
Des freins parentaux persistants
Les parents jouent un rôle central dans les pratiques de mobilité de leurs enfants. Et leurs perceptions peuvent avoir un effet bloquant. Plus des trois quarts d’entre eux considèrent la marche plus dangereuse qu’à leur époque et 90 % s’inquiètent de la sécurité routière. L’enquête met en évidence une surévaluation des distances domicile-établissement scolaire qui incite à accompagner en voiture, même lorsque le trajet est réalisable à pied. Enfin, des écarts genrés marquent aussi les pratiques : les filles sont perçues comme plus exposées aux agressions, quand les garçons sont associés aux risques routiers.
De fortes inégalités
Les enfants issus de foyers favorisés sont mieux équipés (vélo, trottinette, abonnement aux transports en commun) et plus autonomes dans leurs déplacements. L’accès à des infrastructures adaptées (pistes cyclables, transports réguliers) joue un rôle majeur, tout comme la place dans la fratrie ou la configuration familiale. Enfin, le genre reste un facteur structurant. À âge égal, les filles sont moins souvent autonomes que les garçons, notamment à vélo ou pour les trajets de loisirs.
Quelles pistes pour agir ?
À l’école
L’école est un levier stratégique. C’est à l’école que s’ancrent les premières routines de déplacement. Généraliser les formations comme « Savoir rouler à vélo », encourager les trajets actifs dès la maternelle, valoriser l’autonomie croissante au fil du parcours scolaire… autant d’actions qui peuvent faire bouger les lignes.
Dans l’espace public
Il faut aussi développer les infrastructures pour assurer la sécurité des enfants et… rassurer les parents : pistes cyclables sécurisées, signalétique adaptée, traversées piétonnes protégées.
Côté parents
La mobilité durable ne s’apprend pas que sur les bancs de l’école. Les parents doivent eux aussi êtres sensibilisés, non seulement à la sécurité, mais aussi à leurs propres biais : surestimation des distances, idées reçues sur la dangerosité du vélo ou sur l’intérêt des transports collectifs.
Dans les transports en commun
Adapter les réseaux aux besoins des jeunes publics (horaires adaptés, signalétique claire, accueil, gestion des aléas), c’est la condition pour leur permettre de se projeter dans une mobilité plus autonome et durable.
Dans la ville
Repenser la ville à hauteur d’enfant devient un impératif : mise en place de rues scolaires, trottoirs plus larges, traversées piétonnes sécurisées, ralentissement systématique de la vitesse en zone scolaire, continuité des itinéraires piétons et cyclables, présence d’arbres…
En famille
Penser les déplacements des enfants avec ceux des parents : trois quarts des parents qui accompagnent leur enfant à l’école en profitent pour enchaîner avec leur trajet domicile-travail. Modifier cette boucle via le télétravail ou encore des plans de mobilité scolaire peut créer des marges de manœuvre pour repenser l’ensemble du système.
La mobilité des enfants n’est pas un détail logistique ou une affaire privée : c’est une question de société. Elle touche à l’égalité des chances, à la santé publique, à l’urgence climatique et à la manière dont nous concevons les villes et les villages de demain. Favoriser l’autonomie des enfants, c’est leur offrir plus de liberté, mais c’est aussi transformer en profondeur nos habitudes collectives. Il est temps de prendre leurs trajets au sérieux.