Portrait social 2013 - Décrochage et non-recours aux droits : De nombreux ménages pauvres logés en dehors du parc social

De nombreux ménages pauvres logés en dehors du parc social

L’accès au parc social, qui se traduit, pour les ménages les plus pauvres, par un budget logement moins important pour des conditions d’habitat généralement plus favorables, n’est pourtant pas une réalité pour la plus grande partie d’entre eux. Il est vrai que différents facteurs peuvent freiner l’accès au parc social. En effet celui-ci n’est pas présent partout, il ne possède pas toujours la fluidité permettant à de nouveaux ménages d’y trouver leur place, et dans certains territoires comportant de nombreux logements sociaux, il existe un écart entre l’offre disponible et les attentes des locataires potentiels.

684 000 ménages disposent de revenus inférieurs à 60 % du plafond HLM au 01/01/2011 en Rhône-Alpes, ce qui représente 20 % du nombre total de ménages selon la source Filocom des services fiscaux. Cette population particulièrement démunie, que l’on appellera dans la suite de cet article "ménages pauvres", correspond, pour autant qu’elle présente les caractéristiques de nature à la rendre éligible à un logement social, à l’essentiel du public naturel des bailleurs sociaux. Or parmi ces "ménages pauvres", seuls un tiers (31 %) disposent d’un logement social, 474 000 d’entre eux sont logés dans le parc privé. Les locataires du parc privé représentent 31 % des ménages pauvres. Restent les quelque 35 % de "ménages pauvres" propriétaires de leur logement, dont un certain nombre de ménages disposant de peu de revenus mais détenteurs d’un patrimoine transmis par héritage.

Le recours au parc privé se traduit en moyenne par une dépense pour le logement plus élevée que dans le parc public. Selon les statistiques 2012 de la Caisse d’Allocations familiales, le loyer moyen des allocataires du parc privé s’établit à 291 euros en Rhône-Alpes, et la dépense logement des allocataires accédants est de près du double de ce montant (565 euros), alors que les ménages titulaires d’un bail en logement social s’acquittent d’un loyer qui n’excède pas 170 euros en moyenne.

Par ailleurs, pour les ménages les plus pauvres, le fait de disposer d’un logement dans le parc privé se traduit par des conditions de logement dégradées. La qualité des logements occupés par ces populations, mesurée à la fois à l’aune du caractère architectural, de la qualité de la construction, de la distribution des pièces et de l’équipement du logement, est meilleure dans le parc public. Ainsi, 5 % des logements des "ménages pauvres" du parc privé relèvent d’un classement cadastral 7 ou 8 correspondant à une qualité médiocre ou très médiocre, une catégorie presque inexistante dans le parc public (0,2 %). D’une qualité inférieure, les logements des "ménages pauvres" du parc privé sont également moins confortables. Moins des trois quarts d’entre eux (70 %) sont classés tout confort, c’est à dire qu’ils présentent les trois critères WC intérieur, baignoire ou douche et chauffage central, contre 91 % des logements des "ménages pauvres" du parc public. Il est vrai que les "ménages pauvres" du parc privé habitent dans des logements plus anciens que ceux du parc social. Si une grande moitié (56 %) des logements du parc privé a été construite avant 1968, seuls un tiers (32 %) des logements du parc social sont dans ce cas. A porter toutefois au crédit du parc privé, des logements plus spacieux que dans le logement social. Ainsi, si l’on prend comme référence la surface maximale par personne dont disposent 40 % des ménages de tous statuts les plus étroitement logés au niveau national, 54 % des "ménages pauvres" du parc public ont une surface inférieure à ce plafond, un pourcentage qui n’est que de 39 % dans le parc privé. De plus, la sur-occupation est un peu plus fréquente dans le parc public que dans le parc privé. Une telle situation, correspondant à moins de 16m² par personne auxquels s’ajoutent 11m² par personne supplémentaire, est le lot de 4,7 % des logements des ménages pauvres du parc public contre 3,6 % dans le parc privé.

Pour que les ménages les plus démunis puissent intégrer le parc public, il faut que ce dernier soit suffisamment présent sur le territoire. Le développement du logement social est en particulier encadré par l’article L302-5 du code de la construction et de l’habitation, dit article 55 de la loi SRU, qui, en province, fait obligation aux communes isolées de plus de 3500 habitants, ainsi qu’à toutes les communes des grandes agglomérations, de disposer d’au moins 20 % de logement sociaux dans les résidences principales, un pourcentage que la loi du 18 janvier 2013 a porté à 25 %. Et de fait, si le logement social est bien développé dans les plus grandes communes, ce n’est pas le cas pour les plus petites d’entre elles. A titre d’exemple, dans les trois quarts des communes de moins de 1 000 habitants, soit il n’existe aucun logement social, soit le parc social est très faible, au mieux inférieur à 5 % des résidences principales de la commune. Pour les 106 000 "ménages pauvres" qui résident dans le parc privé de ces communes, comme pour l’ensemble des ménages pauvres du parc privé habitant dans des territoires où le parc social est très peu présent, l’obtention d’un logement dans ce parc est donc naturellement plus difficile.

Par ailleurs, le parc social ne présente pas toujours la fluidité qui pourrait permettre à des ménages du parc privé d’y trouver leur place. Selon les résultats au 01/01/2012 du répertoire du parc locatif social (RPLS) géré par le Service de l’Observation et des Statistiques du Ministère en charge de l’Ecologie, le taux de rotation, soit le rapport entre les logements ayant changé d’occupant en cours d’année et les logements en location depuis un an ou plus, atteint en moyenne 11 % en Rhône-Alpes. Or ce taux de rotation est très variable selon les communes. Ainsi, avec une mobilité de 5 %, de l’ordre de la moitié de la moyenne régionale, plus de 200 communes de Rhône-Alpes disposent d’un parc social relativement figé. Les 15 600 "ménages pauvres" du parc privé qui résident dans ces communes, et plus largement l’ensemble des "ménages pauvres" des communes dans lesquelles la rotation dans le parc social est faible, n’ont que peu de possibilités de trouver dans le parc public de leur commune une solution plus adaptée à leurs moyens.

Pour être attractif pour les bénéficiaires potentiels, le parc social doit également être adapté à leurs besoins et à leurs attentes. 3 % des logements sociaux offerts à la location sont vacants en Rhône-Alpes selon les statistiques issues du répertoire du parc locatif social, un pourcentage assez stable et relativement bas qui intègre la vacance de renouvellement. Mais certains territoires affichent des taux de vacance nettement plus élevés qui peuvent être la marque d’une offre partiellement inadaptée à la demande. Dans près de 400 communes de Rhône-Alpes, la vacance est de plus du double de celle du niveau régional, dépassant 6 %. Les 55 200 "ménages pauvres" du parc privé de ces communes, à l’image de tous les ménages pauvres du parc privé des territoires dans lesquels la vacance est importante, qui pourraient a priori trouver une place parmi les logements vacants disponibles en grand nombre à proximité, préfèrent être logés dans le parc privé.

Car quand il existe sur le territoire à un niveau suffisant, le parc public doit d’abord présenter un intérêt financier par rapport au parc public. Or si en moyenne le parc public demande un effort financier moins important aux ménages, ce n’est pas le cas partout. Dans un certain nombre de territoires, le parc privé est soit moins cher que le parc public, soit suppose un effort financier supplémentaire suffisamment faible pour que certains ménages, même pauvres, puissent faire le choix de s’y loger, plutôt que dans le logement social. Ainsi 13 100 "ménages pauvres", locataires du parc privé ou propriétaires occupants, habitent dans une commune où les dépenses moyennes du poste logement des allocataires du parc privé sont soit inférieures, soit de moins de 20 % supérieures à celles du parc social.

Reste que les statuts d’occupation des "ménages pauvres" sont étroitement liés à leurs profils, avec de nombreux jeunes ménages célibataires sans enfants dans le parc locatif privé, des familles monoparentales ou non avec enfants dans le parc social, des ménages plus âgés parfois veufs et veuves, sans personne à charge, propriétaires de leur logement.

50 % des "ménages pauvres" dont la personne de référence a moins de 40 ans disposent d’un logement dans le parc locatif privé, contre 31 % dans le parc public. A l’autre extrême, 52 % des "ménages pauvres" dont la personne de référence a 60 ans ou plus sont propriétaires de leur logement, alors que cette tranche d’âge ne représente que 26 % des "ménages pauvres" du parc social. Globalement, l’âge moyen de la personne de référence des "ménages pauvres" est de 51 ans dans le parc social contre 45 ans dans le parc locatif privé et 62 ans pour les propriétaires occupants. En termes de situation matrimoniale, la part des célibataires est plus importante parmi les "ménages pauvres" du parc locatif privé (50 %) que dans le parc social (31 %). Les "ménages pauvres" mariés ou veufs et veuves sont plus souvent propriétaires occupants que locataires du parc public (64 % contre 42 %). En revanche, les divorcé(e)s représentent 26 % du parc public contre 19 % du parc privé. Les familles monoparentales sont plus nombreuses dans le parc public (24 % contre 16 %). Le nombre de personnes à charge est également un critère très discriminant. Les ménages sans personne à charge représentent les deux tiers des ménages du parc locatif privé (64 %) contre la moitié des ménages du parc public (49 %).

Ainsi, soit par choix, comme celui de tel ménage qui s’oriente vers le parc privé parce qu’il ne souhaite pas se retrouver, dans le parc social, dans un environnement résidentiel qu’il pense ne pas lui convenir, soit par nécessité comme pour une famille dont la composition ne trouverait pas aisément sa correspondance dans la typologie des logements sociaux proposés sur son territoire, un certain nombre de ménages pauvres restent à l’écart du parc social et s’accommodent de solutions peu satisfaisantes dans le parc privé.


Définitions

  • Parc social
    - Il n’existe pas de définition unique du logement social. Dans le répertoire du parc locatif social (RPLS) géré par le SOeS, le parc social est l’ensemble des logements du patrimoine des bailleurs sociaux, hors logements gérés par eux dont ils ne sont pas propriétaires, hors logements du patrimoine des associations et communes, hors foyers.
    - Cette définition est proche de celle de la source fiscale (Filocom).
    - En revanche, pour les CAF, un logement est dit social s’il est géré par un bailleur social.
    - On emploie indifféremment la qualification de parc public et de logement social.
  • Attribution des logements sociaux
    Les logements sociaux sont attribués aux personnes de nationalité française dont les ressources n’excèdent pas certaines limites dépendant du nombre de personnes composant le foyer, de la nature du financement dont a fait l’objet le logement et de la zone géographique. Certaines demandes peuvent faire l’objet d’un traitement prioritaire, comme celles des personnes en situation de handicap, en situation d’urgence ou justifiant de violences au sein de leur couple.
  • Pauvreté
    - L’INSEE définit le taux de pauvreté monétaire comme la proportion d’individus ayant un niveau de vie inférieur à 60 % du niveau de vie médian national. Le niveau de vie d’un individu est obtenu en rapportant le revenu disponible du ménage à son nombre d’unités de consommation (UC). On entend par revenu disponible du ménage la somme de toutes les ressources des différentes personnes composant le ménage : revenus d’activité, revenus de remplacement, revenus du patrimoine et prestations reçues, hors impôts directs et prélèvements sociaux. Les uunités de consommation (UC) sont calculées sur la base d’1 UC pour le premier adulte du ménage, 0,5 UC pour les autres personnes de 14 ans ou plus et 0,3 UC pour les enfants de moins de 14 ans. 12,3 % de la population de Rhône-Alpes se situe en dessous du seuil de pauvreté en Rhône-Alpes en 2010 (La Lettre Analyses INSEE Rhône-Alpes N° 197 - juin 2013).
    - Filocom retient un seuil différent de 50 % de la médiane des revenus par unité de consommation, avec une définition des UC qui intègre une majoration de 0,2 pour les familles monoparentales. 15,5 % de la population des ménages fiscaux dispose d’un revenu inférieur au seuil de pauvreté Filocom en Rhône-Alpes au 01/01/2011.
    - Les résultats présentés ici sont basés sur les "revenus étalonnés en fonction du plafond HLM", un indicateur tenant compte du nombre de personnes occupant le logement, de leurs revenus, de la situation géographique et des plafonds correspondant à cette catégorie de ménages, dont l’objectif est de se rapprocher au maximum du critère d’attribution des logements sociaux. Afin de cerner des populations répondant à priori au cœur de cible du logement social, on s’est attaché ici aux seuls ménages disposant de revenus inférieurs à 60 % du plafond HLM. Ce seuil correspond au financement PLAI (prêt locatif aidé d’intégration) destiné aux logements des ménages cumulant difficultés économiques et sociales, soit 25,9 % des ménages regroupant 24,9 % de la population des ménages fiscaux en Rhône-Alpes en 2011.


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