Logement des ménages pauvres : une différence urbain/rural marquée

Issue d’un partenariat INSEE-DREAL, cette étude sur les conditions de logement des ménages pauvres en Auvergne-Rhône-Alpes apporte des éclairages utiles pour améliorer le ciblage des politiques locales de l’habitat et concentrer l’action publique sur les segments de l’offre où elle sera la plus efficace. L’enjeu est de taille : il s’agit de faciliter les parcours résidentiels de tous les ménages et permettre en particulier aux plus modestes d’accéder à un logement adapté à leurs besoins et capacités.

Les ménages effectuent leurs choix résidentiels dans un cadre territorial contraint (histoire familiale, capacité de déplacement domicile/travail et lieux de consommation…). Les types de logements qu’ils trouveront, leurs prix, les statuts d’occupation auxquels ils peuvent prétendre dépendent fortement des contextes locaux d’équilibre entre l’offre et la demande. Ainsi, les possibilités d’accès à la propriété pour les ménages ou le rôle spécifique du parc locatif social ou privé peuvent différer fortement suivant les territoires. Ce constat implique une utilisation différenciée des aides et dispositifs publics en faveur de la construction ou de la rénovation des logements, selon les caractéristiques des marchés locaux et des ménages qui y vivent.

En Auvergne-Rhône-Alpes, les ménages vivant sous le seuil de pauvreté se répartissent de façon homogène entre locataires du parc social, locataires du parc privé et propriétaires de leur logement. En milieu rural, les personnes âgées sont plus souvent propriétaires. Les logements sociaux sont principalement implantés en milieu urbain. Les ménages pauvres habitent surtout en appartement et disposent d’une surface de logement plus petite. Le « turn-over » dans les logements est plus important chez les ménages pauvres et dans la location privée. L’âge avançant, le logement social et l’accession à la propriété offrent un logement plus durable. Les prestations logement permettent de réduire le coût du logement de ces ménages aux niveaux de vie plus faibles.

La région Auvergne-Rhône-Alpes est en moyenne moins touchée par la pauvreté que l’ensemble de la France métropolitaine. En 2017, 12,5 % de la population régionale vit sous le seuil de pauvreté (14,1 % en France métropolitaine), soit 960 000 personnes réparties dans plus de 400 000 ménages. Les conditions de logement des ménages pauvres, au cœur des politiques publiques de logement, peuvent varier fortement selon les territoires et les marchés locaux de l’habitat. Par construction, la pauvreté se concentre particulièrement dans les quartiers de la politique de la ville. Par ailleurs, tout au long de la vie, certains évènements conduisent à la pauvreté mais d’autres permettent aussi d’en sortir.

Répartition des ménages pauvres selon le statut d’occupation du logement et taux de pauvreté, par département

Lecture : dans le Rhône, 13,8 % des ménages sont considérés comme pauvres, soit 93 600 ménages. Parmi eux, près de la moitié sont en logement social, un tiers sont locataires du parc privé, les autres étant propriétaires. Sources : Insee, Fichier démographique des logements et des individus (Fidéli) 2017, et Insee-DGFiP-Cnaf-Cnav-CCMSA, Fichier localisé social et fiscal (Filosofi) 2017

Des ménages pauvres aussi nombreux en logement social, en location privée que propriétaires

Les ménages pauvres sont presque aussi souvent en logement social (35 %), en location privée (35 %) que propriétaires occupants (30 %). Ils sont néanmoins plus souvent en logement social que l’ensemble des ménages régionaux (25 %) et deux fois moins propriétaires de leur logement. La prise en compte du niveau de ressources dans l’attribution des logements sociaux concourt mécaniquement au taux plus élevé des ménages pauvres dans le parc social. La pauvreté est ainsi plus présente chez les locataires, notamment du parc social, que chez les propriétaires. Le parc locatif comprend 22 % de ménages pauvres (29 % dans le parc social et 17 % dans le parc privé). Parmi les propriétaires, 6 % seulement vivent sous le seuil de pauvreté. La composition des ménages pauvres est différente selon le statut d’occupation des logements. Les personnes seules sont plus souvent en location privée (45 % contre 35 % pour l’ensemble des ménages pauvres). À l’inverse, les couples avec enfants et les familles monoparentales sont plus représentées parmi les locataires du parc social (respectivement 43 % et 48 %). Les couples sont davantage présents parmi les propriétaires.

Les quartiers prioritaires de la politique de la ville : de nombreux pauvres en logement social

Dans la région, le taux de pauvreté dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) est trois fois plus élevé qu’au niveau régional. La liste de ces quartiers, ainsi que leurs contours, ont été élaborés par le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET devenu depuis l’Agence nationale de la cohésion des territoires - ANCT), selon un critère unique, celui du revenu par habitant. Les QPV regroupent 14 % des ménages pauvres, et 5 % de l’ensemble des ménages de la région. Ils sont majoritairement logés dans le parc social (83 %). Situé principalement en zone dense, le parc de logements des QPV est quasiment exclusivement constitué d’appartements (96 % des logements). La surface des logements, comme la surface disponible par habitant, est proche de celle du parc social hors QPV. Dans les QPV, 55 % des ménages pauvres ont emménagé il y a moins de 5 ans, comme l’ensemble des ménages pauvres de la région. L’implantation du parc social conditionne en partie les mobilités : les QPV accueillent des ménages en difficulté économique et laissent partir des ménages plus aisés pour en savoir plus.

Répartition des ménages selon le statut d’occupation du logement en Auvergne-Rhône-Alpes

Lecture : dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), les ménages pauvres sont très majoritairement en logement social (83 %). Les autres sont locataires du parc privé (12 %) ou propriétaires de leur logement (5 %). Source : Insee, Fichier démographique des logements et des individus (Fidéli) 2017

Des propriétaires en milieu rural, des locataires en milieu urbain

Les ménages pauvres sont plus souvent propriétaires en milieu rural : 53 % possèdent leur logement alors qu’ils ne sont que 30 % dans l’ensemble de la région. Plus l’unité urbaine est grande et moins la part de propriétaires est importante. Ainsi, seuls 16 % des ménages pauvres sont propriétaires dans les communes appartenant à une unité urbaine de plus de 200 000 habitants, quand la moitié des habitants de ces communes le sont. Le coût plus élevé du foncier en milieu urbain dense constitue, entre autres, un frein à l’accession à la propriété, et d’autant plus pour les ménages sous le seuil de pauvreté. L’écart du taux de propriétaires entre les ménages pauvres et l’ensemble des ménages est ainsi plus important en zone dense qu’en milieu rural. Le statut d’occupation (locataire ou propriétaire) ne permet cependant pas de déterminer la qualité des logements des ménages (vétusté voire insalubrité, nuisances sonores, qualité de l’air, etc.). Par ailleurs, la précarité monétaire peut également s’associer à une précarité énergétique. Les ménages pauvres habitent plus souvent des logements anciens, plus fréquemment sujets à des déperditions énergétiques plus importantes. Plus de la moitié des ménages pauvres vivent en effet dans des logements construits avant les années 1970 alors que ce n’est le cas que de 40 % de l’ensemble des ménages. Les ménages pauvres locataires du parc privé vivent plus souvent dans des logements anciens que les locataires du parc social ou les propriétaires.

Le logement social : un logement principalement urbain

Le logement social, héritage du logement ouvrier de la révolution industrielle du XIXe siècle, était initialement destiné à loger la main-d’œuvre modeste venant travailler en ville. Ces logements sont, encore aujourd’hui, surtout implantés dans les grandes agglomérations : 60 % du parc social de la région se situe dans des communes appartenant à une unité urbaine de plus de 100 000 habitants. Les quatre métropoles de la région, Lyon, Grenoble, Saint-Étienne et Clermont-Ferrand, regroupent la moitié des logements sociaux régionaux. De ce fait, plus la taille de l’unité urbaine augmente, plus la part de ménages pauvres en logement social est forte. Dans les métropoles, 48 % des ménages pauvres habitent dans le parc social. Ils ne sont que 12 % dans les communes rurales, bien que la pauvreté soit présente à des taux comparables dans l’urbain et le rural. D’une part, les moindres coûts du foncier et des loyers dans les zones rurales facilitent le logement des ménages pauvres hors du parc social. Mais, d’autre part, la très faible présence du parc social dans ces territoires ne laisse que peu de possibilités. En parallèle, pour les ménages pauvres la part de location privée est similaire quelle que soit la taille de l’unité urbaine.

L’appartement : mode de logement prédominant des ménages pauvres

Les ménages pauvres habitent plus en appartement (68 %), et moins en maison (32 %), quand près de la moitié des ménages de la région vit en appartement. Ceci est en partie lié au fait qu’ils vivent plus souvent dans les espaces denses. La nature du logement reflète partiellement les conditions de logement en matière de confort et d’environnement. Vivre en maison permet souvent de bénéficier d’un extérieur privé (jardin, cour) dans des espaces moins densément peuplés mais aussi d’une surface de logement généralement supérieure. La part de maisons dans le parc de logements augmente quand l’espace est moins urbanisé. Dans les communes les plus denses, 6 % des ménages pauvres habitent une maison. Ils sont 67 % dans les communes peu denses et 89 % dans les communes très peu denses. Il en est de même pour l’ensemble des ménages mais à des niveaux plus élevés. La nature du logement varie avec le statut d’occupation. Ainsi, parmi les ménages pauvres, 72 % des propriétaires vivent en maison, 24 % des locataires du parc privé occupent une maison pour seulement 7 % des locataires « sociaux ». Les appartements constituent la grande majorité du parc locatif social : neuf logements sociaux sur dix sont des appartements.

Moins de surface pour les ménages pauvres, notamment en ville

Les ménages vivant sous le seuil de pauvreté habitent des logements plus petits. Leur surface moyenne est de 73 m², inférieure à la moyenne régionale (89 m²). La surface disponible par personne permet d’approcher le confort des habitants dans leur logement, sans pour autant définir à elle seule la qualité de vie. La qualité de la construction, l’entretien des bâtiments et l’environnement dans lequel il est implanté sont aussi des facteurs à prendre en compte. Les habitants vivant sous le seuil de pauvreté disposent ainsi de 42 m² par personne en moyenne et ceux de la région de 48 m². Les occupants de maisons (qu’ils soient propriétaires ou locataires) et les propriétaires (en appartement ou en maison) disposent de plus grandes surfaces. Néanmoins, la taille du ménage joue un rôle bien plus important. Les personnes sous le seuil de pauvreté en couple avec des enfants disposent d’une surface moyenne de 21 m² par habitant. La taille des logements et l’espace disponible par personne se réduisent quand l’espace se densifie, pour les pauvres comme pour l’ensemble de la population. Les personnes seules en milieu rural jouissent d’une surface moyenne disponible par habitant nettement supérieure à celle dont disposent les couples avec enfants en milieu urbain. Les locataires du parc social bénéficient de logements d’une surface moyenne similaire à celle dont disposent les occupants du parc locatif privé. Néanmoins, il y a davantage de familles avec enfants dans les logements sociaux, de sorte que la surface disponible par habitant y est en moyenne plus faible.

Répartition des ménages pauvres selon le statut d’occupation et l’ancienneté dans le logement en Auvergne-Rhône-Alpes

Lecture : parmi les ménages pauvres propriétaires de leur logement, 33 % ont emménagé depuis moins de cinq ans, 21 % depuis cinq à dix ans, etc. Les ménages pauvres locataires du privé sont majoritaires à avoir emménagé récemment. Source : Insee, Fichier démographique des logements et des individus (Fidéli) 2017


Un « turn-over » plus important dans les locations privées

La durée d’occupation des logements renseigne sur la mobilité des ménages qui les occupent et donc du « turn-over » au sein des logements. La rotation des ménages pauvres dans les logements est plus importante. En 2017, 56 % des ménages sous le seuil de pauvreté sont entrés dans leur logement depuis moins de 5 ans (et 20 % dans l’année). Ce n’est le cas que de 43 % de l’ensemble des ménages régionaux (et 13 % dans l’année). Cette différence s’explique en partie par la plus faible proportion de propriétaires (traditionnellement moins mobiles) parmi les ménages pauvres, mais pas seulement : ces derniers présentent un « turn-over » plus élevé que la moyenne même lorsqu’ils sont locataires, du parc privé ou en logement social. La location privée affiche un « turn-over » plus important, chez les ménages pauvres comme pour l’ensemble de la population. La présence de nombreux étudiants dans la région, louant des logements pour de courtes durées, en est une raison. D’autre part, les logements récents, plus fréquents dans le parc privé, sont mécaniquement occupés depuis peu. Enfin, la location privée constitue souvent une première étape avant l’attribution d’un logement social ou l’accession à la propriété. L’installation dans un logement social est d’ailleurs plus durable que dans une location privée, pour les ménages pauvres comme pour l’ensemble de la population. Quatre ménages pauvres sur dix locataires dans le social occupent le même logement depuis plus de cinq ans. Dans le privé, ce n’est le cas que trois fois sur dix. Ce constat est en partie lié à l’âge. Les populations jeunes, les plus mobiles, sont plus souvent logées en location privée.

Répartition des individus vivant sous le seuil de pauvreté par âge et statut d’occupation du logement en Auvergne-Rhône-Alpes

Lecture : 15 % des individus vivant sous le seuil de pauvreté âgés de 25 ans, sont propriétaires de leur logement, tandis que 52 % sont locataires du parc privé et 33 % en logement social. Note : la forte proportion de propriétaires chez les plus jeunes tient au fait qu’une part importante d’entre eux vivent chez leurs parents et peuvent par conséquent être « propriétaires » via leurs parents. Source : Insee, Fichier démographique des logements et des individus (Fidéli) 2017

Les jeunes en location, les personnes âgées propriétaires

Les personnes majeures vivant sous le seuil de pauvreté sont en moyenne plus jeunes (45 ans) que celles ayant un niveau de vie plus élevé (51 ans). En effet, les jeunes sont particulièrement touchés par la pauvreté, compte tenu, entre autres, du coût de la décohabitation fréquente induite par les études, des faibles revenus à l’entrée dans la vie active, du chômage et des aides sociales plus restreintes. Le RSA, par exemple, n’est pas accessible aux moins de 25 ans. Les locataires pauvres du parc privé sont plus jeunes que les locataires sociaux et les propriétaires. Près de la moitié des jeunes de 20 à 30 ans vivant sous le seuil de pauvreté sont en location privée et un tiers en logement social. De 30 à 50 ans, la part des locataires du privé diminue au profit de celle des locataires du parc social et des propriétaires. Puis, l’âge avançant, la part de propriétaires parmi les ménages pauvres augmente. À partir de 80 ans, plus de la moitié des personnes sous le seuil de pauvreté sont propriétaires.

Les aides au logement en soutien des ménages pauvres

La moitié des ménages pauvres ont un niveau de vie inférieur à 10 200 euros (contre 21 840 euros pour l’ensemble des ménages). Parmi les ménages pauvres, les locataires du parc social ont un niveau de vie médian (10 340 euros) proche de celui des propriétaires (10 290 euros) et légèrement supérieur à celui des locataires du parc privé (9 890 euros). Au contraire, dans l’ensemble des ménages de la région, les ménages du parc social ont le niveau de vie médian le plus faible (14 700 euros, contre 19 300 euros pour les locataires privés et 24 600 euros pour les propriétaires). Les prestations sociales contribuent en partie à réduire les inégalités. Les aides au logement, en particulier, constituent un tiers des prestations sociales des ménages pauvres et allègent le coût du logement. Elles représentent 11 % du revenu disponible des ménages pauvres (1,2 % pour l’ensemble des ménages). La contribution des aides au logement est plus importante pour les locataires (15 %), notamment dans le parc social (17 %), que pour les propriétaires (3 %). La plus faible part des aides au logement des locataires privés (13 %) et des propriétaires, outre le fait de niveaux de vie plus élevés, pourrait aussi venir d’une méconnaissance de leurs droits aux prestations pour certains d’entre eux, qui ne les solliciteraient pas.


Source et définitions

Le Fichier démographique sur les logements et les individus (Fidéli) contient des informations sur le logement et la composition familiale des individus assujettis à la taxe d’habitation et/ou à l’impôt sur le revenu.
Le niveau de vie, identique pour tous les membres d’un ménage, correspond au revenu disponible divisé par le nombre d’unités de consommation (UC) d’un ménage, calculé selon l’échelle d’équivalence de l’OCDE.
Le revenu disponible comprend les revenus d’activité et de remplacement (indemnités chômage, retraite), les revenus du patrimoine, les prestations sociales perçues et la prime pour l’emploi (remplacée en 2016 par la prime d’activité), nets des principaux impôts directs (impôt sur le revenu, taxe d’habitation, CSG et CRDS).
Un ménage est considéré comme pauvre lorsque son niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté. Ce seuil est fixé à 60 % du niveau de vie médian (soit 1 041 euros par mois pour une personne seule en 2017 en France métropolitaine).
Les unités urbaines sont construites d’après la définition suivante : une commune ou un ensemble de communes présentant une zone de bâti continu (pas de coupure de plus de 200 mètres entre deux constructions) qui compte au moins 2 000 habitants.
Une commune rurale est une commune peu dense ou très peu dense au sens de la grille de densité de l’Insee.
Pour la surface disponible par personne, seul le nombre d’habitants par logement est pris en considération, sans distinction entre adulte et enfant.
Les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) sont définis par la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine du 21 février 2014, dite loi Lamy. La région compte 140 QPV.

Pour en savoir plus

• Données complémentaires de l’étude Insee Analyses Auvergne-Rhône-Alpes • n° 121 Logement des ménages pauvres : une différence urbain / rural marquée
• « Logement social et pauvreté : deux facteurs de mobilité des quartiers politique de la ville », Insee Analyses Auvergne-Rhône-Alpes n° 90, décembre 2019
• « La pauvreté dans les métropoles augmente entre 2013 et 2018 », Insee Flash Auvergne-Rhône-Alpes n° 89, avril 2021
• « Le parc locatif social au 1er janvier 2020 », Datalab essentiel, novembre 2020
• « 11 millions de personnes sont locataires d’un logement social », Insee Première n° 1715, octobre 2018
• « Les conditions de logement en France », Insee Références, édition 2017



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