Ain - CEN Rhône-Alpes

Demande de dérogation aux interdictions de destruction d’espèce végétale protégée, déposée par la SAS Riffier Granulats VICAT dans le cadre de la restauration hydrologique des lônes
du camp militaire de la Valbonne à Balan et Saint-Maurice-de-Gourdans (Ain).

I- Résumé de la demande
Le site Natura 2000 des steppes de la Valbonne bénéficie d’un programme LIFE spécifique1 d’une durée de 7 ans (du 1er septembre 2019 au 31 août 2026) et d’un budget global de 4 577 483 € (dont 75 % de financement européen). Il vise principalement, en conformité avec les objectifs du DOCOB, à :

  • restaurer 700 ha de pelouses sèches,
  • restaurer 3 ha de zones humides,
  • maintenir une zone boisée en libre évolution.
    Il porte également un projet de réintroduction sur site de l’Outarde canepetière (ce dernier devant faire prochainement l’objet d’une saisine du CNPN et d’une information du CSRPN).
    La maîtrise d’ouvrage du volet de restauration de zones humides, qui concerne la lône de la Violette et la partie avale de la lône du Grand-Gravier, est assurée par le CEN Rhône-Alpes en partenariat avec le Ministère des Armées et la commune de Balan.
    Il s’agit de restaurer leur fonctionnement hydrologique et ainsi favoriser la faune et la flore patrimoniales associées à ces milieux (habitats naturels prioritaires hébergeant un riche cortège d’espèces d’intérêt communautaire, dont l’Agrion de mercure (Coenagrion mercuriale) et le Vertigo de Des Moulins (Vertigo moulinsiana).
    Ces deux lônes font partie d’un vaste complexe « Gravier-Chaume » ; elles sont localisées en tête de celui-ci, et leur fonctionnement hydrologique a un impact sur l’ensemble du réseau.
    Les aménagements fluviaux réalisés sur le fleuve Rhône (barrages, digues, casiers Girardon…) ont engendré un enfoncement de la nappe du Rhône et une diminution de la dynamique fluviale, limitant les divagations latérales du fleuve et donc la création ou le maintien de milieux humides annexes.
    Les lônes de la Violette et du Grand-Gravier ne font pas exception ; elles subissent la réduction des débits d’étiage et des fréquences d’inondation, une altération du morpho-dynamisme et une déconnexion avec la nappe phréatique avec assèchement estival (pour la lône de la Violette), au détriment de leur richesse écologique.

I.1. - Caractéristiques du projet et espèces concernées par la demande de dérogation
Les travaux envisagés, issus de l’expérience acquise au travers du précédent programme LIFE « Basse vallée de l’Ain »2, comprennent :

  • la réhabilitation du chenal de ces deux lônes par curage sédimentaire sur la quasi-totalité du linéaire concerné (profondeur maximale 1,30 m), à l’exception des abords d’ouvrages hydrauliques conservés, afin d’éviter toute incision ou déchaussement des fondations.
    Le volume de matériaux à curer est estimé à 10 700 m³ sur un linéaire 1220 m pour la lône de la Violette et 8 000 m³ sur un linéaire de 880 m sur la lône de Grande-Gravier pour un total de 18 700 m³ (linéaire : 2 100 m).
  • un déboisement sélectif (roselières, trouées : 0,88 ha) ou non (emprise à curer, zone tampon : 0,88 ha) ;
  • la modification d’obstacles à la continuité écologique : un seuil béton protégeant des conduites d’eaux usées à démanteler, des passerelles/ponceaux en béton et maçonneries à démolir partiellement. Ces travaux de démolition seront réalisés à la pelle mécanique équipée d’un brise-roche hydraulique.
    Les sédiments fins seront réinjectés dans le fleuve Rhône en accord les recommandations du Plan d’action du bassin Rhône-Méditerranée pour la pollution par les PCB - SDAGE Rhône-Méditerranée 2010-2015.
    Les sédiments les plus grossiers sont destinés pour partie à une valorisation au sein du camp militaire, et également à une réinjection dans le Rhône sous réserve de l’accord d’EDF ; à défaut ils pourront être valorisés au sein du chantier à des fins de restauration de micro-habitats écologiques.
    Un suivi de la qualité des eaux sera mis en place au niveau du captage des 3 puits du SIEPEL à Balan et sur le Rhône.
    Compte-tenu des mesures d’atténuation prévues, seuls l’arrachage et l’enlèvement de spécimens de flore protégée en phase de travaux motivent la présente demande de dérogation au sens des articles L.411-1 et L.411-2 du Code de l’environnement : Hottonie des marais (Hottonia palustris) et le cas échéant Rubanier émergé (Sparganium emersum, uniquement potentiel dans la zone concernée).
    Ces espèces sont visées par l’arrêté interministériel du 4 décembre 1990 relatif à la liste des espèces végétales protégées en région Rhône-Alpes complétant la liste nationale.

I.2 – Caractérisation de l’état initial et mise en œuvre de la séquence « éviter, réduire, compenser »
L’état du milieu est présenté en pages 29 et suivantes du dossier. Les inventaires sont décrits en pages 24 et suivantes (méthodologie) et pages 29 à 40 (résultats).
Les impacts bruts induits par les travaux visant à rajeunir les secteurs atterris se traduisent par une réduction de certains types d’habitats au détriment des espèces associées ; ils sont estimés pages 41 et 42 principalement à :

  • pour la lône de la Violette :
    • 811 m² sur l’habitat de fourrés ;
    • 8 662 m² sur l’habitat de frênaie-peupleraie alluviale ;
    • 3 502 m² sur l’habitat de saulaie palustre ;
  • pour la lône du Grand Gravier :
    • 825 m² sur l’habitat de saulaie palustre ;
    • 3 228 m² sur l’habitat de phragmitaie atterrie.
      Les espèces associées susceptibles de subir un impact significatif, du moins en phase de travaux, sont la Loutre d’Europe (uniquement potentielle), le Castor d’Europe, les cortèges associés de chiroptères, d’avifaune de passage ou nicheuse, la Planorbe naine (uniquement potentielle), les amphibiens et reptiles, le Brochet ainsi que la flore protégée (principalement Hottonie des marais, Rubanier émergé voire Laîche faux souchet et la Renoncule grande douve, ces trois dernières étant uniquement potentielles au sein du périmètre des travaux projetés).
      Les mesures d’évitement et de réduction proposées sont les suivantes :
  • Mesures d’évitement :
    • en cas de découverte, mise en défens des stations de Laîche faux souchet, de Renoncule grande douve et de Rubanier émergé en phase de travaux, après repérage par un écologue ;
    • balisage en défens et conservation de l’ensemble des potentiels arbres « gîte » utilisables par les chiroptères et l’avifaune, sous contrôle de l’écologue ;
    • adaptation de l’emprise des voies d’accès au chantier, des zones de dépôts et réduction de l’emprise des travaux par rapport au projet initial (s’agissant notamment du défrichement).
  • Mesures de réduction :
    • adaptation du calendrier des travaux, réalisés en période de moindre impact pour la faune et la flore, soit entre mi-août et décembre ;
    • concernant la planorbe naine (potentielle), maintien d’une zone sans intervention (réservoir de population) représentant environ 85 % de la surface de la lône du Grand-Gravier ;
    • réalisation d’une pêche de sauvegarde en faveur du Brochet en amont des travaux, avec déplacement des individus en amont de la lône de Grand-Gravier ;
    • adaptation des engins de chantier (chenilles, faible portance au sol…), dispositif de prévention des pollutions accidentelles ;
    • attention particulière portée à la maîtrise des espèces végétales exotiques envahissantes (prévention de la dissémination, éradication des foyers détectés au sein de l’emprise du chantier).
      A l’issue de la mise en œuvre de ces mesures, des impacts résiduels significatifs en phase de travaux demeurent pour la flore protégée, en particulier pour l’Hottonie des marais et le cas échéant, de façon marginale, pour le rubanier émergé (uniquement potentiel néanmoins), par :
  • - déplacement des sédiments susceptible d’impacter une partie des graines présentes dans le substrat du lit mineur de la lône de la Violette,
  • arrachage de pieds d’Hottonie des marais voire de rubanier émergé potentiellement présents sur la zone.
    Les mesures particulières proposées en faveur de la flore, et qui s’apparente à des mesures de réduction (voire d’accompagnement) sont les suivantes :
  • pour l’Hottonie des marais :
    • récolte conservatoire de graine l’année de réalisation des travaux (entre juillet et août) ; elles sont ensuite séchées et conservées avant semis à la saison suivante à la même période ;
    • préservation de la banque de graines par décapage de la couche de terre végétale au niveau de la zone encore en eau sur la lône de la Violette, stockage transitoire en cordon puis réimplantation au sein du chenal créé ;
  • pour le rubanier émergé : prospection entre juin et août préalable aux travaux par un écologue ; en cas d’observation, déplacement de la station au niveau de la lône du Grand-Gravier.
    S’agissant d’un projet à objectif de restauration écologique et compte-tenu de la quantification des impacts bruts et résiduels, il n’est pas demandé de mesure compensatoire sensu stricto.
    Les mesures de suivi prescrites portent principalement sur :
  • les paramètres biotiques :
  • cortège de végétation et de la flore protégée ;
  • odonates ;
  • amphibiens ;
  • brochet ;
  • les paramètres abiotiques :
  • le suivi piézométrique ;
  • le suivi topographique.

II- Déroulement de l’instruction
Le projet fait l’objet des procédures suivantes :

  • sur la base d’une demande d’examen « au cas par cas » déposée le 22/12/2022, l’autorité
  • environnementale a conclu le 05/05/2023 à l’absence de nécessité d’une évaluation environnementale ;
  • un dossier de déclaration au titre de la rubrique 3.3.5.0 de la loi sur l’eau ;
  • une évaluation des incidences Natura 2000, adossée au dossier de déclaration au titre de la rubrique 3.3.5.0 de la loi sur l’eau ;
  • une demande d’autorisation de défrichement au titre du Code forestier ;
  • une demande de dérogation à la protection des espèces, objet de la présente saisine. Cette dernière a été déposée le 26 juin 2023 au guichet unique de la DDT de l’Ain.

La présente consultation est ouverte du 26 septembre au 10 octobre 2023 inclus.

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