Portrait social 2013 - Décrochage et non-recours aux droits : Le non-recours aux droits appliqué au DALO

Institué en 2007, le droit au logement opposable (DALO) est relativement récent. En cas de défaillance de l’État à proposer une solution de logement, il peut être condamné par une juridiction administrative. Au regard du nombre important de mal logés en France, le taux de recours au DALO reste relativement faible. Les requérants sont essentiellement situés dans les zones tendues, surtout en Île-de-France et en PACA au niveau national et dans le Rhône et l’Isère au sein de la région Rhône-Alpes. Le non-recours au DALO se décline à différentes étapes de la procédure : lorsque le requérant potentiel ne fait pas de demande, on parle alors de non-recours primaire et de non recours contradictoire quand celui-ci refuse la proposition de relogement qui lui est faite. Des mesures d’accompagnement permettent de limiter l’érosion des personnes décrochant en cours de procédure, l’objectif étant que les personnes recourent à leur droit et qu’elles s’y maintiennent.


Le droit au logement constitue un enjeu majeur pour les acteurs publics du logement et mesurer le recours au dispositif DALO est un indicateur indispensable. Ce suivi est réalisé régulièrement, tant au niveau national (par le comité national de suivi) que régional, grâce à la mise en place d’un système d’information dédié. Mesurer le non-recours donne une image "en creux" tout aussi importante pour la connaissance du mal-logement en France. Pour autant, cet exercice est moins aisé à mettre en oeuvre…



I. Le droit au logement : un droit fondamental

Du droit au logement au droit au logement opposable

Le droit au logement a d’abord été reconnu comme un droit fondamental par la loi dite "Mermaz" du 6 juillet 1989, renforcé par la loi Besson du 31 mai 1990 : "Garantir le droit au logement constitue un devoir de solidarité pour l’ensemble de la Nation. Toute personne ou famille éprouvant des difficultés particulières […] a droit à une aide de la collectivité […] pour accéder à un logement décent ou s’y maintenir […]."
Si d’autres textes législatifs1 ou décisions des juridictions administratives2 sont venus régulièrement consolider


Si d’autres textes législatifs 1 ou décisions des juridictions administratives 2 sont venus régulièrement consolider le droit au logement, l’étape juridique majeure est celle de son évolution vers un droit au logement opposable, institué par la loi du 5 mars 2007. Cette loi introduit en effet une obligation de résultat. Le droit au logement est donc opposable à l’État, qui peut dorénavant être sanctionné juridiquement s’il n’a pu garantir ce droit à des personnes n’ayant pu obtenir un logement décent et indépendant par leurs propres moyens.


La mise en œuvre du DALO

La mobilisation de ce droit doit se faire en dernier recours, après avoir réalisé toutes les démarches nécessaires pour trouver une solution au problème de logement et si celles-ci s’avèrent infructueuses.

La garantie proposée par l’État s’appuie sur un dispositif de recours en deux temps :

  • un recours amiable devant une commission de médiation départementale. Il peut être engagé pour accéder à un logement ou un hébergement. La commission se prononce sur le caractère prioritaire de la demande et sur l’urgence à attribuer un logement ou à accueillir le requérant en structure d’hébergement.
    Si la demande est considérée comme prioritaire et urgente par la commission, le préfet est saisi pour attribuer un logement.
  • un recours contentieux devant le tribunal administratif, si le relogement n’a pas été effectivement réalisé suite à la décision de la commission. Dans ce cadre, l’État pourra être condamné à payer une astreinte versée sur le Fonds National d’Accompagnement Vers et Dans le Logement (FNAVDL).



II. Quel recours au DALO ?

État des lieux du recours au DALO
Depuis la mise en place du dispositif en 2008, la région Rhône-Alpes représente 5 % des recours amiables DALO déposés au niveau national : elle arrive donc en troisième place derrière l’Île-de-France qui concentre l’essentiel des recours (65 %) et la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (7 %).

Si cette répartition se vérifie plus spécifiquement sur les recours "logement", en revanche, la région Rhône-Alpes est la 2e région de France concernée par les recours "hébergement" (8 % des recours nationaux, derrière l’Île-de-France : 74 %). Sur les cinq dernières années, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur a certes connu une hausse du nombre de recours pour une demande d’hébergement mais elle reste moins concernée par cette problématique que par celle du logement (pour mémoire, la région Midi-Pyrénées traite 4,8 % des recours nationaux pour une demande d’hébergement).

En Rhône-Alpes, trois départements sont particulièrement concernés par l’exercice du recours amiable DALO : le Rhône (près de 50 % des recours déposés dans la région) et l’Isère (28 % des recours régionaux) connaissent une forte activité et, dans une moindre mesure, la Haute-Savoie (12 % des recours régionaux).

Le non-recours, une donnée difficile à déterminer
La mesure du non-recours à un droit est par nature un exercice complexe. La principale difficulté rencontrée réside dans l’évaluation du nombre de personnes mal-logées, qui sont donc susceptibles d’exercer leur droit au logement si elles répondent par ailleurs aux conditions liées à la nationalité ou aux titres de séjour.
Ce travail est mené au niveau national par la Fondation Abbé Pierre, mais il n’est pas décliné au niveau régional. Sur la base du 18e rapport de la Fondation, et si l’on considère que les personnes mal-logées peuvent potentiellement exercer leur droit, on ne constate pas de recours massif au dispositif DALO par celles-ci.
Cette donnée peut être corrigée pour tenir compte du fait qu’un recours concerne un ménage et non pas une personne. Si l’on considère que les projections de l’Insee pour 2010-2014 établissent un scénario bas du nombre de personnes par ménage et un scénario haut, le nombre de personnes concernées par les recours DALO en 2012 peut varier de 162 700 à 163 500.

Dès lors, le taux de recours annuel s’établirait à 4,5 %. Cet ordre de grandeur au niveau national, même s’il
n’est pas négligeable, parait faible.
Ce premier constat de faible recours au DALO peut être conforté, au niveau régional, par l’observation de l’évolution du nombre de recours "logement" déposés depuis la mise en place du dispositif. Il n’y a pas eu d’évolution majeure du nombre de recours déposés en vue d’accéder à un logement en région Rhône-Alpes. La petite inflexion à la hausse observable pour l’année 2012 correspond probablement à l’ouverture du dispositif de recours contentieux aux demandeurs de logement social qui n’ont pas reçu de proposition adaptée à l’issue du délai anormalement long (délai fixé par arrêté préfectoral pour l’attribution d’un logement social et qui varie selon les départements). Cette ouverture du dispositif contentieux a pu inciter les demandeurs à d’avantage recourir à la procédure amiable (dans la mesure où ils peuvent dorénavant prolonger la procédure amiable par une procédure contentieuse si nécessaire).

Comme suite à la mise en place du dispositif DALO, il aurait pu être attendu un pic du nombre de recours, si ce n’est la première année (temps de communication sur le dispositif), du moins l’année suivante, suivi d’une baisse (le nombre de nouveaux entrants éligibles au dispositif ne devrait pas être identique d’une année sur l’autre). Or ce n’est pas le cas en région Rhône- Alpes, ni au niveau national d’ailleurs. L’évolution sera néanmoins surveillée pour l’année 2013 afin de vérifier les effets sur le plus long terme de l’ouverture du dispositif évoquée ci-dessus. Il n’est à ce stade pas possible de déterminer les causes exactes du non-recours mais des hypothèses peuvent être envisagées :

  • caractère récent du dispositif (5 ans),
  • mauvaise connaissance du dispositif par les potentiels bénéficiaires et par les acteurs du domaine hébergement/ logement,
  • problème d’adéquation entre le dispositif prévu et les attentes des bénéficiaires (complexité et lenteur de la procédure / décalage entre l’envie du bénéficiaire et ses besoins …).



III. Les mesures d’accompagnement : un levier d’incitation à recourir au droit au logement ?

Une fois le recours au droit au logement opposable exercé, il ne se traduit pas systématiquement par l’entrée dans un logement. En effet, des requérants dont le caractère prioritaire et urgent de la demande a pourtant été reconnu par la commission de médiation peuvent refuser la proposition de logement qui leur a été faite. Depuis la mise en place du dispositif en 2008, on constate que ces refus portent, à l’échelle de la région, sur un quart des propositions de logement faites par les bailleurs. Cet ordre de grandeur est vérifiable dans le Rhône et l’Isère, en données cumulées depuis 2008. Cette proportion est en revanche plus forte dans le département de la Loire.


Les mesures d’accompagnement des requérants dans leur démarche de recours au droit au logement revêtent alors une importance particulière, afin de rendre durable la solution de relogement proposée. Le recours au droit est une première étape. Le maintien du droit en est une autre. C’est pourquoi un dispositif spécifique d’accompagnement ciblé sur l’accès et le maintien dans le logement a été développé. Il s’agit de mesures financées par le Fonds national d’accompagnement vers et dans le logement (FNAVDL), destinées aux personnes reconnues prioritaires par les commissions DALO. Trois types de mesures sont financés :

  • le diagnostic pour évaluer la situation sociale au regard de l’autonomie du ménage et sa capacité à assumer les responsabilités d’un locataire, et les prestations nécessaires et adaptées pour garantir l’accès au logement,
  • l’accompagnement social vers et dans le logement,
  • la gestion locative adaptée.


Outre ce dispositif, d’autres mesures d’accompagnement, menées en dehors de la procédure DALO, peuvent constituer un outil efficace pour l’appropriation de l’idée du droit au logement par les potentiels bénéficiaires :

  • les prestations d’accompagnement social lié au logement (ASLL) sont des mesures départementales financées par le Fonds Solidarité Logement (FSL) destinées aux personnes qui rencontrent des difficultés pour accéder à un logement ou s’y maintenir,
  • les mesures d’accompagnement vers et dans le logement (AVDL), financées par l’État, proposent un accompagnement adapté à des ménages sortant d’une situation de rue ou de mal logement, afin de leur permettre d’accéder à un logement sans passage obligé en Centre d’Hébergement et de Réinsertion Sociale (CHRS) et pour favoriser la réussite de leurs sorties des structures d’hébergement, courant 2013, le champ d’intervention du FNAVDL susmentionné doit être étendu à toutes les personnes éprouvant des difficultés particulières en raison notamment de l’inadaptation de leurs ressources ou de leurs conditions d’existence. À terme, le FNAVDL a donc vocation à financer l’ensemble des mesures AVDL / État dans un souci de meilleure lisibilité du dispositif.


L’intégralité de l’article :


Pour en savoir plus

Portrait social 2013 : L’intégralité du document





Notes et références

1Loi du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions

2Notamment, décision du Conseil Constitutionnel du 19 janvier 1995 qui reconnaît que le droit au logement est un objectif de valeur constitutionnelle

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